l'hydromel qui maquille ses lèvres ;
et l'euphorie de l'instant devenu poison en t'attendant. comme si l'hilarité était venue lui mettre un coup dans l'nez – à lui rappeler toutes les pensées qu'il avait essayé d'oublier toute la soirée. et celles d'avant. la clope au bec, il s'est accroupi sur l'trottoir, le regard perdu dans le noir. mais de toutes les pensées qui lui reviennent comme un coup de fouet, c'est cette sensation de gâchis. l'gâchis d'avoir bossé des mois et des mois sur des sons qu'il en pouvait plus de garder pour lui, dans son studio. l'gâchis de voir une partie d'internet renversé pas par ses talents, ni pour tout c'qui a couché lui-même sur le papier pendant qu'il était en tournée ; mais par l'idée que ces mots soient pour toi.

et c'est vrai. c'ton sourire qui l'a inspiré. celui qui rehausse tes pommettes, amoindrisse tes yeux rieurs. c'ton rire couleur arc-en-ciel, une clarté enfantine encore perceptible. c'ta peau embrassée par le soleil ou par ses lèvres. c'toi. juste toi. et ça l'pourrit de devoir le cacher mais de se faire quand même allumer par ceux qui pensent te connaître mieux que lui. à balancer des inepties chaque jour, chaque nuit. 'pas assez bien pour elle', 'trop vulgaire', 'un style trouvé dans les poubelles' 'la belle et le clochard kr' ça fuse dans tous les sens. et ça l'pèse.

— premier sweat trouvé dans le placard enfilé. un masque pour tenter de se camoufler le visage et pouvoir être à tes côtés en gardant son anonymat.
elle sort de sa voiture et déboule dans les rues d’itaewon à ta recherche. les idées pas très claires dont tu lui as fais part dans un appel.
à réclamer soudainement sa présence au beau milieu de la nuit, la vouloir à tes côtés; et pas ailleurs. et elle, déjà couché, l’emploi du temps chronomètre le lendemain (elle sait d’avance qu’elle te détestera au réveil).

et elle reconnait ta dégaine. au loin, dans une ruelle à l’abris des regards et de la foule. elle s’avance un peu, baisse son masque lorsqu’elle est assez proche de toi et loin du monde.
yah. yo minsik.
elle fronce les sourcils, te regarde presque avachi sur le trottoir, comme si t’étais prêt à dégeuler toutes les émotions qui traversent ton esprit trop alcoolisé.
elle se tient pas loin de toi, son regard qui balaie l’horizon parce qu’elle a peur qu’on te voit dans cet état – pas qu’elle ait honte, bora.
non, bora elle a pas honte de ceux qu’elle aime.
elle se fiche guère de ce qu’on peut bien penser de toi. mais elle a peur de ce ça peut provoquer chez toi. te sait dans le fond plus soucieux du regard des autres que ce que tu prétends. t’as bu combien de litres ? t’es sûr de me voir correctement ??
et elle ironise la situation par défaut. empoigne ta main pour t’aider à te relever, mais ton poids la fait grogner entre ses dents.

— l'esprit embrumé et le hoquet venu heurter sa trachée ;
l'ivrogne terrible d'un bar abandonné. la clope au bec comme pour appuyer sa mauvaise dégaine. il s'donne des airs à en avoir rien à foutre minsik, pourrait faire un doigt d'honneur au prochain passant si l'regard se fait trop insistant. mais il a pas les couilles qu'il dit avoir. il a pas le courage de tout ceux qu'il admire. et y a qu'à le voir à tanguer, accroupi au bord du trottoir. misérable. une superstar qu'a abusé de sa soirée. on mettra ça sur le goût de la fête, sur la sortie de son album longtemps attendu. peut-être même qu'on en parlera même pas. parce que, par définition, son cas rapporte moins d'intérêt sur les réseaux comparé aux politiciens ou aux idols.

quand ta voix épouse l'air, le masque abaissé comme pour t'assurer qu'il allait bien te reconnaître. les paupières plus sensibles à la lumière de la ruelle, elles se plissent pour tenter d'apercevoir tes traits – est-ce que toi aussi, t'es remontée contre lui ? il porte sa main en hauteur, devant ses yeux, et créer une ombre superficielle mais suffisante pour entrevoir ton expression. les sourcils froncés, évidemment pas heureuse d'être là au beau milieu de la nuit. t'attrapes sa main pour l'aider à se relever mais y a que toi qui fais un effort sur l'instant. il risque de perdre son équilibre en même temps qu'il retire ses doigts de ton emprise. qu'est-ce t'as ? t'as honte d'retrouver ton mec dans c't'état ? la moue boudeuse qui pourrait bien décrédibiliser ses propos pourtant bien ressentis dans l'fond de ses entrailles. il se relève tant bien que mal. pourquoi t'es là ? faudrait pas qu'un d'tes fans passent par là, ouhlala le scandale. les mains levées dans les airs et l'rire sarcasme venant empoissonner l'atmosphère.

— ça la frappe. soudainement.
ça l’attriste même.
elle réalise la marque que ça te laisse. les propos qui ressortent en écho quand tout semblait aller si bien. comme si elle était la première coupable de ce qu’on te balance à la figure.
parce que ça t’impact.
ça résonne.
comme si t’étais pas assez bien pour elle, quand bora ne s’intéresse à personne d’autres que toi.

elle fronce les sourcils. tes doigts se faufilent entre les siens. yah, minsik. le ton plus adoucit, presque silencieux. c’est toi qui m’a appelé. je suis là parce que TU m’as appelé minsik.
et elle t’attrape le bras. le regard qui peut pas s’empêcher de regarder autour de vous si personne ne vous reconnait (ne vous filme).
ce qui m’inquiète minsik, c’est pas qu’un fan me voit. c’est qu’on te voit dans cet état.
parce que les bad buzz arrivent plus vite qu’on ne l’imagine. qu’ils marquent l’image et la carrière. elle ne voudrait jamais que ses fans envahissant viennent briser le trône sur lequel tu t’es posé depuis bien longtemps.
arrête de faire le con. on rentre, s’il te plaît.
et elle tente juste de te faire empoigner le pas. vous parlerez plus loin, dans sa voiture, à l’abris de tous. là où tu pourras crier ton mécontentement sans qu’il ne vienne éclater aux oreilles d’autrui.

— il a l'coeur perforé ;
toutes ces balles perdues sur la toile, la haine gratuite pour une gueule qu'il a pas choisi et qu'il s'tue à afficher fièrement. quand on s'plait à vous comparer à shrek et fiona. l'affreux et la princesse. pourvu qu'il ne la transforme pas en ogresse au premier baiser. mais lui, il sait qu'à ses côtés ou ailleurs, tu brilles de milles feux. que ta beauté reste inégalée, même à cet instant. quand la nuit noire enveloppe ta silhouette et que tu portes des vêtements simples, pas faits pour te mettre réellement en valeur, juste là pour le confort d'avoir été sorti d'une lit trop tard.

t'arrives malgré tout à le forcer à se lever pour marcher vers ta voiture. l'envie de le cacher de tous sûrement, de pas pouvoir assumer de l'aimer comme n'importe quel couple de votre âge. parce qu'on aura beau dire ce qu'on veut, vous êtes pas comme les autres. de par vos statuts d'étoiles montantes ou par vos caractères trop enfantins. des lions dans l'allure mais devenant lionceaux quand on les bouscule un peu. et cette fois, c'est trop. quand le cœur était grand ouvert à la sortie de son album, prêt à accueillir les louages. il arrive à retirer son bras de ton emprise. j'ai PAS envie. le corps qui vacille, à manquer de rentrer dans la marche du trottoir et de faire un plat contre le bitume. le chanteur grogne et se retourne vers toi. rentre chez toi bora, ça sert à r que tu restes là. la main qui s'agite dans l'air comme pour balayer le sujet, qu'ses mots sonnent le point final. j'm'en fous bien d'comment on m'voit moi, t'vois. les bras se croisent en même temps que son esprit se ferme.

— mais elle comprend pas bora.
elle est paumée.
pourquoi tu sembles autant lui en vouloir ? comme si elle avait provoquée toutes tes peines. comme si elle était à l’origine de tout ce qu’on dit, de tout ce qu’on profère.
elle aussi, elle meurt d’envie de les faire taire. elle meurt d’envie d’hurler tout le bien qu’elle pense de toi –
mais elle peut pas.
ça l’attriste autant que ça te touche.

alors elle comprend pas pourquoi tu la portes responsable. pourquoi ta colère gronde en sa direction. pourquoi tu choisis avec soin tes propos. j'm'en fous bien d'comment on m'voit moi, t’vois. son coeur se resserre.
pourquoi t’agis comme si j’avais honte de toi ? et même dans son silence, elle n’a pas cessé de montrer son soutien. à son échelle, avec le peu d’armes dont elle dispose, elle a tenter de faire savoir à ceux qui prétendent l’aimer l’affection qu’elle te porte. en pensant, bêtement, qu’on ne tentera jamais de blesser ceux qu’elle aime.
moi aussi je m’en fiche de comment on te voit. vas y. on reste ici. t’as raison.
et dans un excès de folie, de douce colère, elle décide de ne plus réfléchir, influencer par ta bêtise. elle frotte le sol d’un revers de main et s’installe, assise à même le trottoir, bras croisé sous la poitrine.
pas de soucis minsik. je vais attendre jusqu’à ce que tu te calmes.
elle te lance un regard du coin de l’oeil.
va dégueuler de l’autre côté par contre. j’ai l’estomac léger.

— un enfant ingrat,
voilà ce qu'il est ce soir. à pleurnicher sur les vipères qui l'étranglent. sur le poison qui envenime sa tête, ses veines ; jusqu'à noircir son cœur. la peur de trouver un fond de vérité dans tout ce qui lui est reproché. ne pouvoir être à ta hauteur, prendre la place de celui qui pourra se tenir à tes côtés sans qu'une honte habite ton regard. et ça l'énerve minsik, à s'dire qu'ils pourraient avoir raison. qu'il est peut-être juste pas assez bien pour toi. mais la fierté est trop grande pour totalement abdiquer. alors c'est la colère qui éclate, qui parle. l'alcool aidant à omettre les signes évidents de ta bonne foi, de l'affection que tu lui portes – à oublier que ça, c'est bien réel. ses yeux vitreux suivent tes pas, t'observent t'installer sur le bord du trottoir pour y trouver un nouveau trône. un rire faux vient étouffer sa trachée. t'fais la meuf ça y est. de nouveau la main qui balaye l'air comme pour appuyer ses accusations. il passe ses mains dans les poches de son pantalon, essaye vainement de rester debout (stable). j'pas envie de dégueuler. vomir c'pour les faibles. et c'pas mon cas. l'ironie d'une situation qui lui échappe et lui retourne bien l'estomac. son pied tape dans un cailloux, si petit et suffisant pour lui faire bientôt perdre l'équilibre. mais il reste digne, se redresse en évitant ton regard. ça sert à rien d'parler bora. j'pense on s'est tout dit. alors que c'est bien la première fois qu'il montre autant sa détresse personnelle. sous une forme maladroite, à manquer de te blesser toi aussi.