— l'air glacial vient lui piquer les narines, attente qui lui semble interminable, alors qu'elle renifle timidement derrière l'écharpe qui dissimule une partie de son visage du froid embaumant les lieux, la capitale toute entière. les premiers flocons de l'année – plus en avance qu'à l'accoutumée - viennent parsemer le sol d'un blanc éphémère et décorer ses mains tendues dans la fraîcheur de novembre, pour redevenir gouttes d'eau dès qu'elles se posent sur son épiderme. esquisse presque hivernale qui lui vaut un tendre sourire, mi-naïf, mi-malicieux. pourtant, l'impatience la guette peu à peu, transperce ses sentiments, frustration s'imposant docilement alors qu'elle attend la seule personne qu'elle a envie de rencontrer en ce jour de repos miraculeusement trouvé. manager du groupe laissé derrière elle, sms aux filles pour les prévenir qu'elle allait rentrer plus tard qu'habituellement au dortoir. ahri guette l'horizon, le moindre signe de vie qui puisse apparaître derrière la porte de service en métal, casque sur les oreilles effaçant momentanément tout brouhaha extérieur qui viendrait potentiellement gêner son ouïe. la demoiselle le sait, conscience qu'elle sera en paix là où elle se trouve, lieu transpirant la nostalgie, berceau secret gardé à l'abri de tous les regards avec celui qu'elle considère désormais comme son frère, hael. toit d'un vieil immeuble du quartier dans lequel ils ont grandi, et dont l'existence demeure encore aujourd'hui, connue de seulement deux personnes. eux.

annihiler l'ennui est ce qu'elle sait faire de mieux. ahri tournoie nonchalamment au milieu de l'espace aménagé au fil du temps, bourdonnant quelques paroles de la chanson écoutée, attendant la silhouette du garçon pour pouvoir instantanément se stopper, face à lui. t'as vu l'heure qu'il est ? ça fait une demi-heure que j'attends et t'as même pas envoyé de message ! qu'elle lance furieusement. parce qu'elle s'inquiète ahri. toujours trop. ces derniers jours, encore plus. je pensais qu'il t'était encore arrivé quelque chose. allusion à ce qui l'effraie, et elle le sait, ce dont il n'a pas envie de parler.  

– les écouteurs sont enfoncés dans ses oreilles, mais parvient à peine à calmer le coeur. depuis le scandale, hael craint de mettre le pied à l'extérieur. rien ne parvient à le convaincre, il a l'impression que les yeux sont sur lui en constance, qu'on le suit partout où il va. prétendre qu'il n'est pas dérangé semble marcher pour les autres, mais intérieurement, le gamin panique. à être un peu plus réservé qu'à ses habitudes, refus de sortir lorsque ce n'est pas nécessaire, préférence à rester dans le dortoir, jusqu'à ce qu'il ne soit forcé à sortir hors des pratiques, de son travail. les refus ont été multiples, entre les vérités ( le temps lui manque, un autre comeback est prévu, il ne fait que passer son temps dans la salle de pratique et n'a plus envie de mettre le pied à l'extérieur lorsqu'il a terminé ) à des mensonges lorsqu'il a finalement du temps libre, parce qu'il n'a pas envie de sortir et d'être soudainement dans les nouvelles une autre fois. ce sont des peurs irrationnelles. d'une façon, il le sait, le réalise. d'une autre, il ne peut qu'être prudent en évitant les problèmes pour lui-même et les autres, son groupe, son agence.

les vêtements choisis sont ordinaires. rien qui flashe au premier coup d'oeil, le masque sur le nez et la casquette qui cache son visage. des précautions prises avant de quitter le dortoir, à s'éclipser sans alerter personne. il y a le froid de novembre qui le happe au moment où il met le pied à l'extérieur, les frissons remontant le long de ses bras, tandis qu'un soupire s'échappe de ses lèvres. les mains dans les poches, il se dirige vers le chemin du subway, les prunelles incapables de ne pas regarder d'un côté à l'autre, prudence qu'il prend depuis un petit moment. de ses habitudes de garder les yeux au sol, à suivre les pas fait des étrangers dans la neige blanche, il observe les alentours, cependant. le temps avance et il est déjà en retard. ça monte à la tête, les précautions prises. à se rassurer qu'on ne le suit pas avant de s'arrêter ( enfin ) devant ce vieux bâtiment. les yeux suivent les briques décolorés, réminiscence du passé, de ces heures passées à s'échapper de tout, à se sentir plus en sécurité dans cet immeuble que chez soi.

chemin connu jusqu'au bout des doigts, à s'élancer dans les escaliers pour rejoindre ahri, qui doit l'attendre depuis longtemps. il espère, sans grand espoir, qu'elle ignore le sujet. lorsqu'il s'avance, les écouteurs glissés dans l'étui, hael pince ses lèvres ensembles, une fine ligne apparaissant avant qu'il ne prenne la parole pour souffler un pardon, j'ai pas vu l'heure passer. et le soupire s'échappe de ses lèvres, incapable de cacher l'ennui à entendre cette dernière phrase. il sait qu'elle s'inquiète, il ne la blâme pas, même s'il aurait préféré ne pas avoir la situation mentionnée. ça va, c'est rien, c'est rien. il hausse des épaules. faut oublier tout ça, toi tu n'as rien d'intéressant dans ta vie ? humor me ? à vouloir changer le sujet qui le hante tous les jours au plus vite.

grand frère arrivé et l'ambiance devient instantanément plus chaleureuse, présence réconfortante du garçon qu'elle a eu besoin de voir depuis des jours. ahri aux espoirs de l'observer avec une mine plus réjouie que ce qu'il a laissé présager au téléphone, à vouloir lui demander un tas d'informations quitte à ce que la situation tourne à l'interrogatoire : péripéties soi-disant amoureuses du chanteur qu'il n'a pu éviter et dont sa cadette souhaite entendre toute l'authenticité. high five initié par la demoiselle, salutation un soupçon excentrique qu'ils exécutent depuis qu'ils sont petits et qu'ils ne laissent jamais tomber. faut vraiment que t'apprennes à regarder ton téléphone. il était allumé en plus, non ? mots échappés de ses lèvres, sonnant plus affirmation que réelle question, elle lui laisse un instant la chance de faire preuve d'honnêteté, l'ayant vu arriver écouteurs aux oreilles. mains sur les hanches, ahri n'attend pourtant pas sa réponse avant d'argumenter les paroles du garçon, plan déjà établi dans son esprit trop songeur : le faire parler et ne pas le laisser dévier sur un nouveau sujet d'échange. non rien du tout. empressement trop voyant. tu sais que tu ne vas pas réussir à échapper à la conversation que t'évites depuis des jours hael, hein ? allusion au scandale qu'il semble avoir envie d'éternellement minimiser, à ne jamais vouloir en discuter, à faire comme si rien ne s'est produit. sms échangés à la volée au cours de ces dernières semaines, messages envoyés par hael voulus certainement rassurants, mais qui n'ont pu empêcher la brune de se tracasser et de se soucier pour lui. ahri devenue petite sœur aux pensées angoissées. elle le sait pourtant, que ça le touche plus qu'il ne l'admettra devant sa benjamine de coeur, peine invisible qu'elle observe – sans qu'il ait besoin de lui en parler - derrière ses tentatives de fuites, car il aurait déjà été consciencieux avec elle en temps normal.

elle ne peut s'empêcher d'avoir inévitablement besoin qu'il se confie à elle, comme ils le font depuis qu'ils sont gamins. alooors, comme ça t'as une petite copine ? nécessité de le charrier encore un peu, malgré l'appréhension de la demoiselle qu'il se referme davantage. hael habitué à ce qu'elle s'amuse des situations absurdes dans lesquelles il s'engage parfois. blaguer mutuellement sur les bourdes qu'ils commettent devenu rituel entre eux, aujourd'hui ne faisant pas exception, à se moquer de lui parce qu'il a fait une bêtise, et parce qu'il est capable d'en refaire une autre.

– il a retiré son masque le moment où il s'est glissé sur les marches, masque qui se retrouve dans sa poche de manteau sans attendre. il ne risque rien, ici. dans ce vieux bâtiment dont personne ne connaît vraiment aussi bien qu'eux, après s'y être rendu maintes et maintes fois depuis leur jeunesse. high five partagé, d'une énième habitude qui s'est créé des années plus tôt et il hausse des épaules à ce qu'elle lui dit. dire à ahri que ses notifications sont sous silence est inutile. c'est la routine, le silence qui reste en tout temps depuis ses premiers jours à la wishmaker. pour ne pas être dérangé, entre les pratiques et la peur qu'on lui confisque son téléphone. même si ce n'est plus le cas à ce jour, maintenant qu'il a débuté, c'est resté.

et il tente, hael, de changer la conversation. envie de s'échapper de ses griffes, espoir qui quitte l'esprit à la seconde où il entend le ton qu'elle prend. pourquoi pas ? qu'il se plaint. c'est déjà passé, t'sais. manque plus que le reste du monde – ahri y compris – oublie ce qui vient de passer, de ces fausses rumeurs causées par son inattention. un moment bas dans sa vie, d'attirer l'attention sur sa personne. la pire des erreurs, pour un idol, d'avoir un scandal. surtout de ce genre, car ça ne le quittera jamais vraiment. dans un an, deux ans, il pourra y retrouver encore des commentaires, des posts de ces fans qui se rappeleront de cette nouvelle et qui le fera remonter pendant un temps, jusqu'à ce que ça se calme de nouveau. et hael ne compte pas avoir un autre moment comme celui-ci, qui a été beaucoup trop stressant.

ugh, ahri, vraiment..? il évite de lever les yeux au ciel et de soupirer, se laissant tomber sur l'une des chaises qu'ils ont ramenés un de ces jours, lorsque le sol s'est retrouvé à être trop inconfortable pour eux. il sait qu'elle ne fait que le charrier, ça ne l'empêche pas de répondre sérieusement. c'est une amie, c'tout. ça a toujours été ainsi. car il a toujours été réservé, hael. à ne jamais pousser plus loin, à ne jamais oser s'avancer et changer les choses. le scandale n'a fait que empirer les choses. ça ne suffit pas qu'il ait l'impression qu'on le surveille constamment, rien que l'idée de la revoir, encore, et d'avouer l'inavouable le fout dans une peur bleue. tu sais que je te l'aurais dit, si j'étais en couple. il le pense vraiment, mais ne sait pas si c'est la vérité toute simple, à douter même si elle n'arriverait pas à le deviner avant même s'il ne lui annonce, si ce n'est pas à la seconde près.

elle pourrait presque le prendre dans ses bras, tant il lui a manqué. gamine au besoin permanent d’affection, à avoir trouvé le réconfort d’un grand frère auprès de hael qui partage le même nom qu’elle, et qu’elle ne voit plus aussi souvent qu’elle le voudrait réellement, ahri devant se contenter d’échanger à distance ou à parler quelques minutes dès lors qu’ils ont des promotions aux mêmes périodes. et le fait qu’ils aient eu du temps libre en même temps relève aujourd’hui, presque du miracle. ouais c’est vrai mais tu me connais, je vais pas te lâcher. trop de témérité qui la ronge depuis qu’elle est enfant, à vouloir constamment avoir le dernier mot, quitte à passer pour une demoiselle exaspérante, incapable de se plier aux règles. hael n’est désormais plus étranger aux comportements gentiment énervants de ahri, garçon qui l’a vue grandir en même temps que lui, avec ses bons comme ses mauvais traits de personnalité.

son regard dévie sur le soi-disant fautif, à l’observer s’affaler sur l’une des chaises installées dans leur coin de paradis éphémère. roh, je te crois c’est bon ! qu’elle lance en soupirant, toujours à la recherche de la véritable histoire. le sentiment qui vient instantanément trôner sur le reste de ses pensées : que hael ne lui a pas tout raconté toute la vérité, omissions volontaires installées entre eux depuis des semaines par téléphone, malgré les insistances de la plus jeune des deux. mais pour que je sois sûre. c’est une amie… juste une amie ? ou c’est une amie que t’aimerais plus vraiment appeler amie, mais autre chose ? mots fouineurs et questions indiscrètes posées, à toujours porter ses pupilles espiègles sur lui, sourire en coin, ahri à l’éternelle aura malicieuse. ahri plus habituée à se confier à hael que l’inverse, même si elle espère toujours qu’il s’ouvre davantage. et si elle le taquine de façon continuelle, la demoiselle cache sous ses blagues les inquiétudes d’une cadette qui n’a pas envie de voir son ami, son frère, souffrir pour quelque chose qu’il ne contrôle pas forcément. c’est vrai ça ? conscience de ce qui adviendrait, s’il avoue ce que ahri soupçonne en cachette. elle le connaît par coeur, mais elle connaît aussi les répercussions des scandales entre idols. t’as vraiment pas choisi la plus laide pour te taper des rumeurs de couple, hein. et sa main vient pousser l’épaule de hael, à le tourmenter joyeusement.