— sensation étrange, qui tiraillait ses entrailles, sans qu’elle ne puisse expliquer pourquoi. comme un malaise dans l’air, qui lui faisait dire que rien ne tournait parfaitement rond. et pourtant, les pas se répétaient, les rires se multipliaient, les corps se mouvaient devant les glaces pour peaufiner au maximum chaque geste qu’elles orchestraient. une précision impressionnante qui était la leur après des années de travails et de complicités. mais même après des heures et des heures passées à s’apprendre par coeur, il y avait toujours dans le coeur des signaux qui disaient que rien n’était tout à fait comme il faut. doona savait cependant que ces pensées étaient parfois trompeuses - souvent faussées - mais elles avaient le don de semer le doute au milieu de moment de plénitude. comme à cet instant.
et le coeur battait plus fort, cherchant sa délivrance, cherchant une échappatoire. tout allait si vite alors que tout était préparé depuis des mois. c’était comme si tout un coup le monde avait passé deux vitesses sans rien lui dire, elle qui n’était qu’à moitié prête de parcourir le monde entier pour voir les milliers de visages de fans n’attendant qu’elles. et s’ils voyaient ? s’ils se rendaient compte, qu’au fond, tout cela n’était que pure mascarade ? Doona tenta de ne pas sombrer, de ne pas se laisser aller, elle qui était sortie pour s’aérer l’esprit, celui-ci lui jouait un vilain tour. et rien ne fut plus simple à l’apparition de ces traits connus et qui, depuis bien des heures, paraissaient peut enclin à être doux avec elle. “ Byuli ? J’arrive, laisses-moi une minute. ” un sourire à moitié faux sous cette respiration qu’elle tentait vainement de calmer. sans réussite ni même espoir de réellement y arriver.
— son monde de paillettes et de bonne humeur feinte avait changé d’un coup. les couleurs s’étaient mises à changer trop vite, donnant mal à la tête à la jeune femme qui peinait à suivre ce nouveau rythme. des semaines, peut-être des mois maintenant, qu’elle priait pour que le travail la submerge au point de ne plus pouvoir penser à rien d’autre. maintenant que son vœu avait été exaucé, eunbyul peinait à tenir la cadence alors que les attentes du monde entier pesaient sur ses épaules. ce n’était pas son premier rodéo mais à chaque nouvelle édition, les salles s’agrandissaient et avec elles les attentes des fans et celles de leurs détracteurs. et comme toujours dans son métier, le rêve et l’enfer dansaient un quadrille dangereux.
la musique s’arrêta enfin et eunbyul eut l’impression qu’elle avait oublié comment respirer correctement. usée par les répétitions, elle traina sa carcasse jusqu’à ses affaires pour essuyer son front où perlait de la sueur et pour finir sa gourde d’eau. profitant de cette pause qui semblait s’allonger, la jeune femme quitta la salle d’entrainement pour remplir sa gourde à l’une des fontaines à eau du couloir. malgré toutes ses complaintes, elle ne put s’empêcher de fredonner la dernière chanson qu’elles venaient de répéter. son regard se perdit dans le couloir jusqu’à apercevoir une porte qui menait sur un balcon. prendre l’air, pour de vrai, ne pourrait pas lui faire de mal. continuant à chanter, elle se dirigea vers l’extérieur. eunbyul ne s’attendait pas à trouver quelqu’un dehors mais encore moins à ce que doona ait l’air si paniqué. “ça va ?” elle garda ses distances avec la jeune femme et regrettait déjà d’être celle qui l’avait trouvée. gérer ses propres émotions n’était pas une chose aisée alors celles des autres… “je venais juste pour prendre l’air. je peux repartir.” coup d'œil vers la porte par laquelle elle venait d’arriver et qui se refermait à peine dans son dos. elle préférait encore l’air vicié de leur salle d'entraînement aux angoisses d’une amie.
— le palpitant qui s’emballe, sans qu’elle ne puisse rien faire. rien contrôler. comme prise dans une tempête qui ne voulait pas se calmer, la laisser, prête à la noyer dans ce trop plein qui ne faisait que monter, monter. et l’impuissance, face à ce torrent soudain, la laissant pantoise et démunie. et elle restait là, cherchant une issue, une échappatoire, comme si au milieu de ce chaos, une porte de sortie existait. mais il ne s’agissait pas d’un labyrinthe mais plutôt d’une fosse aux parois glissantes. elle ne se rendait pas compte, simplement, que seule elle ne réussirait pas à sortir de cet abyme dans lequel elle était plongée.
respiration difficile, pendant que les larmes étaient prêtes à se bousculer à la porte de ses paupières. mais elle prenait sur elle, pour ne rien laisser paraître. ou tout du moins, le moins possible. pour ne pas inquiéter la jeune femme qui venait de faire son apparition. et ne pas paraître trop misérable. “ Ça va passer… ” une grimace plus qu’un sourire qu’elle offrit à Eunbyul qui ne semblait pas plus à l’aise qu’elle. Doona se libéra d’un soupir, seule chose qu’elle laissa échapper pour l’instant alors qu’elle détournait le regard, la main sur le coeur, pressant ce tissu qui couvrait sa poitrine. “ Fais comme tu le sens. T’es pas obligée de rester avec moi. ” la voix était fragile, fébrile, sous les couches de crainte et de terreur qui grouillaient sous sa peau. et vint la peur de l’abandon, la grande ignorance, cette angoisse qui ne lâchait pas sa personne. mais qu’elle garda sourde dans le coin de son être. et Doona évita l’impact brutal de sa chute prochaine, repoussant l’échéance à grands coups de respiration profonde. “ Juste une minute. ” avant de voir se rompre ses ailes.