— il était tard, à nouveau. l'impression que l'heure où le monde entier disparaît n'était pas encore arrivé, haedam était toujours là, assis dans la cafétaria, à même le sol, son dos contre le mur, portable branché. il ne faisait pas grand chose, pour une fois il était calme, silencieux même. le seul bruit que l'on pouvait entendre était celui des quelques personnes encore restantes dans la cafétaria, loin de sa position, et parfois le bruit de ses doigts sur l'écran de son portable. bientôt, la cafétaria allait fermé, et bien qu'en tant qu'idole et trainee, ils n'étaient pas vraiment là pour manger de toute façon, les règles étaient les règles. le visage vide d'émotion, sans concentration ou envie quelconque, il finit par tout simplement visé le vide présent devant lui, sa vision perdant de sa netteté, n'ayant pas à se concentrer sur un objet ou une personne.

en réalité, il ne devrait pas être là, il n'a même pas réellement mangé, mais cette grande salle à moitié vide était la seule qui n'était pas réservé à une ou plusieurs personnes pour le moment. rester seul dans sa chambre était une possibilité, cela revenait au même que de rester ici, assis, à attendre que le temps passe, jusqu'à que la fatigue vienne le prendre dans ses bras pour le déposer chez morphée. un long clignement des yeux, une respiration le temps de devenir le plus serein possible, puis il rouvrit ses yeux lentement en expirant. devant lui, une chevelure qu'il connaissait, qu'il avait croisé plus d'une fois dans les bâtiments de l'agence. il la connaissait, enfin il aimerait dire qu'il la connait, mais tout ça est assez compliqué à décrire. c'était jinju, et leurs conversations n'étaient jamais des plus intéressantes pour les amateurs de commérage.

« ah, bonsoir. » pur politesse, elle était son aînée dans tous les sens du terme, il n'allait pas l'ignorer complètement. ce qu'elle choisissait de faire avec ce salut un peu maladroit était sa décision. histoire d'être un peu plus présentable, haedam se redressa contre le mur, rangeant ses jambes vers son corps pour laisser la place à la circulation s'il y en avait besoin d'une, et posa son portable histoire de regarder la jeune femme. « tu peux... t'asseoir si tu veux. » il ne savait vraiment pas pourquoi avec elle tout était aussi... étrange. comme si elle le connaissait depuis toujours, si elle pouvait le lire comme un livre ouvert, et cela le mettait légèrement inconfortable. cependant une certaine aura qu'elle rejetait, un je-ne-sais-quoi, le mettait assez en confiance pour tenter d'oublier ce ressenti, assez pour accepter sa compagnie, une discussion, un moment ensemble.

— lui qui n'était que si rarement timide dans sa vie, il n'avait pas connu ce qu'était la période pudique, la période où tout devient gênant et qu'un adolescent se met à tout cacher de sa personne, de ses possessions, de ses parents, de sa vie entière. il ne l'avait pas vécu, ayant passé cette période trop intéressé et trop passionné par son entraînement pour un jour devenir idole. même alors qu'il avait fait ses premiers pas sur scène, ses premiers fanmeetings, il n'avait jamais été timide, réservé. certes, l'émotion était présente, il l'avait formé devant certaines personnes pendant quelques secondes, minutes au grand maximum, mais jamais à ce point, jamais au point de mettre en place un silence assourdissant comme au côté de la belle jinju. cela n'avait rien à voir avec qui elle était, avec son rôle d'aînée dans tous les sens du terme, il était juste... réservé à ses côtés. il ne pourrait même pas dire qu'elle a fait quelque chose pour qu'il soit ainsi, car elle n'avait rien fait, un seul regard suffisait pour qu'il détourne du regard. ses rires de gênes n'étaient même pas présent, juste lui, elle et le silence. le ciel savait pourtant qu'il essayait, de ne pas rendre leurs conversations trop longues, trop gênantes, il essayait mais sans succès pour le moment.

elle s'était assise là, juste à ses côtés, et pourtant il était calme, silencieux, pas de rire, pas de blague, pas de mot mal ou bien placé, absolument rien. ils étaient la description même du sitcom le moins intéressant au monde, deux personnes qui semblent être bien en la compagnie de l'un et l'autre, et pas un seul mot intéressant, une conversation qui sort de l'ordinaire. ce n'était même pas une question de vouloir être timide face au genre contraire, ou alors une intimidation face à sa beauté, il était juste... étrangement gêné. « hmm ? rentré ..? ah. » une question qui est pourtant bien utile, il était tard, bien trop tard, il devrait dormir le peu d'heure qu'il pourrait pour récupérer son énergie. elle posait une bonne question, une question que lui-même pourrait lui poser. il laissa pourtant un silence, le temps de réfléchir à sa question. pourquoi était-il toujours ici ? est-ce qu'il y avait une raison en particulier ? est-ce qu'il était coincé ici ? « j'ai pas vraiment... envie de dormir je suppose. » il est vrai que même s'il rentré chez lui, à quoi on, il ne dormirait pas, il le savait bien. et pourtant haedam pourrait facilement s'endormir la tête contre le mur vide qu'il avait contre son dos, il ne savait. l'insomnie n'étai pas des plus grave chez lui, elle venait lui faire bonjour par moment, sans pour autant être horriblement présente dans sa vie. la solitude également, l'impression que de rentre chez lui le rendait seul au monde, lui faisait perdre tout ce dont il avait toujours rêver, ce dont il avait travailler dur pour avoir. il ne pouvait pas rentrer.

mais comment lui faire comprendre ça ? personne ne pouvait comprendre l'exact sentiment que s'il se reposait ne serait-ce qu'une seconde, tout pourrait disparaître. tout ceci car il ne le méritait pas au final, parce qu'il avait volé la place de ceux qui avait plus de talent, car il avait une petite popularité sur les réseaux. ceci encore, ne pourrait probablement pas être compris par la jeune femme à ses côtés, et en aucun cas il lui en voudrait. « et toi..? il est tard. » on lui avait toujours dit qu'une femme seule en pleine nuit n'était jamais bon signe, mais au sein du monde dans lequel ils résidaient, il n'y avait rien de plus normal. non pas que c'était toujours la chose la plus sécurisée bien sûr, ce n'était pas surprenant. tous les deux savaient très bien ce qu'ils faisaient, ou alors ce qu'ils auraient bien voulu faire pendant cette nuit sombre. il n'y avait souvent qu'une seule réponse, et bien que vraie pour haedam, ce n'était peut-être pas le cas pour elle. « tu sors d'entraînement..? ou... réunions peut-être..? » parce que la curiosité, aussi silencieux puisse t-il être en ce jour, ne disparaissait jamais en une seule seconde.  

— existait-il deux autres personnes sur cette terre, partageant tant de point commun mais étant incapable d'entretenir une conversation vivante ? étaient ils deux aliens tentant désespérément de communiquer entre eux sans savoir qu'ils partagent le même langage ? transformant des beaux visages que l'on voit sourire, briller sur scène en de vulgaire pantins incapables de montrer une seule émotion autre que le fait d'être éternellement inconfortable. le pire là-dedans pour haedam était qu'il était sûr, s'il n'avait pas cette impression qu'elle pouvait le percer de son regard en une seule seconde, il n'aurait aucun mal à pouvoir agir comme pour toute autre personne : heureux, idiot, et bruyant. même alors que la lune était haute dans le ciel et que peu d'âmes étaient encore présentes dans ses bâtiments, il n'y avait qu'elle pour le mettre dans une telle situation, le renfermant dans sa petite coquille, de retour au haedam enfant, incapable d'exprimer la moindre de ses émotions.

il n'arrivait jamais à savoir si elle tentait de l'aider ou de l'enfoncer plus bas que terre avec ses réponses. était ce parce que son langage corporel le trahissait ? car il se montrait bien trop différent qu'avec toutes autres personnes sur cette planète ? ou était elle toujours ainsi ? des réponses courtes comme si rien n'était important, comme si la parole n'était que secondaire dans leurs relations, alors que même les regards devenaient inexistants, visant le mur de l'autre côté de la salle. il comprenait cependant tout ce qu'elle lui disait, les longues réunions incessantes, l'impression que rentrer ne signifiait rien et n'avait aucune utilité, il comprenait tout ça. mais il était incapable d'en faire la moindre réponse humoristique comme à son habitude. et s'il essayait, oh mon dieu s'il essayait, ce serait probablement pire. pourtant, elle lui avait offert ce sourire qui en signifiait gros, qui lui demandait une réponse, quelque chose qui lui disait qu'il pouvait se détendre, ne pas être aussi gênant. elle essayait elle aussi, et il ne voulait pas la laisser seule dans cette situation. « non je... je vois ce que tu veux dire. » eh bravo. rien n'était très chaleureux dans cette réponse. presque fermé comme un vieux livre, limite froid, ce n'était rien de ce qu'il était, rien de ce qui faisait de lui haedam. tant qu'il le réalisa, quelques secondes plus tard, une once de panique sur son visage. « je veux dire... j'en ai pas envie non plus et... enfin... » impossible, il était vraiment impossible.

il n'osait même plus la regarder, visage venant se baisser pour viser ses jambes au sol. il avait honte de lui, tout simplement. il n'avait jamais été aussi gêné devant une personne de sa vie, et ce n'était même pas une stupide histoire de cœur ou alors un mal entendu entre eux deux ! il ne pouvait même pas lui dire pourquoi, autre que le fait qu'il était persuadé qu'il n'avait besoin de rien dire, qu'elle pouvait le décoder en quelques secondes. et c'était effrayant. « tu as... faim peut-être ? ou soif ? » oui, peut-être qu'il avait trouvé une façon de "fuir", de prendre l'air quelques secondes pour se reprendre en main. tout reposait seulement sur elle, et ce dont elle avait besoin, car tout reposait sur elle était en effet une très bonne idée, bravo haedam.