Les couloirs bruyants de la KBS le mettent toujours à cran, le sourire comme tailladé sur les lèvres alors que les salutations d’une politesse maladive s’enchaînent dans un rythme confus. Les mascarades de ce genre n’ont plus le moindre secret pour lui, il joue le même rôle depuis tout petit, celui calme et posé, chaleureux et bien élevé. Les mains se serrent, les lèvres s'étirent, et les accolades se poursuivent ainsi, ponctuées de temps à autre par des exclamations lorsqu’un visage familier brise le flot des mondanités, laissant alors percevoir une relation enfin naturelle et pas seulement orchestrée par l’étiquette. Gyurae aimerait connaître ces interludes qui donnent un répit au cinéma qu’implique cette industrie, mais son coeur n’est pas là, et tous ces visages lui sont étrangers, pour toujours coupé de la masse par ce rôle qu’il s’est lui-même imposé.

Puis un éclat de rire - trop familier. Il n’a pas besoin de lever les yeux pour savoir à qui appartient ce timbre de voix, cette chaleur qu’il peut déjà sentir sur lui avant même de redresser sa tête. Han. Il peut sentir ses muscles se crisper, même si rien sur son visage ne le laisse paraître - son corps le montre, à défaut de pouvoir l’afficher sur ses traits. Il passe une main dans ses cheveux, comme pour se rassurer que tout en lui est sous contrôle, ne laissant rien paraître du malaise évident que cette rencontre pourtant inévitable provoque chez lui. Ses lèvres s’étirent en un sourire plus grand encore, de cette allégresse que seul recroiser un vieil ami peut procurer, et il s’élance avec assurance retrouver le membre d’Equinox.

Han ! La familiarité s’arrêtant là, distance laissée entre leurs deux corps comme le gouffre qui n’a cessé de les séparer pendant des années. Han lui fait face, pourtant Gyurae ne peut s’empêcher d’imaginer son dos loin devant lui, figure innatteignable qu’il s’efforce à vouloir rattraper sans jamais y arriver. Comment vas-tu ? J’ai l’impression que cela fait une éternité que l’on ne s’est pas croisés. Peut-être parce qu’il n’a fait que l’éviter, depuis son départ de la gnation jusqu’à ses debuts avec cloud9, à vérifier anxieusement les plannings des émissions pour s’assurer que leurs activités ne se superposent jamais. Ce n’est ni mature, ni raisonnable. Mais Gyurae ne sait juste pas quoi faire de ses sentiments : ce ressentiment qu’il a si longtemps nourri envers Han et tout ce qu’il représente - la réussite, le succès, l’appartenance à un monde qui lui a toujours été interdit - et cette politesse qu’il porte en permanence comme une façon de se racheter, de faire de lui quelqu’un de plus grand que ce qu’il est.

@na junghan