— le monde change. s’empare d’elle à chaque instant différemment. ou peut-être est-ce elle, dont la douce métamorphose ne se manifeste qu’à quelques éclats. lorsque son regard accroche sa peau dans le miroir, et que ses pensées divergent d’avant. que son coeur, auparavant si débordant d’un rien, semble désormais plus apaisé – ou froid.
les anciennes cicatrices sont devenues blanches, le long de son épiderme. presque oubliées – ou des souvenirs éparses qu’elle observe désormais avec nostalgie. 
parfois, elle a peur que ses anciens démons la rattrapent. et puis parfois, elle fait la paix avec ces derniers. c’était avec cette détermination qu’elle est venue là. d’abord sur ses gardes, le premier verre avait des allures d’une hache de guerre qu’on cherchait maladroitement à enterrer. la discussion suivait son cours, peut-être trop sur la réserve, mais les langues avaient fini par se délier.
il y’en a eu un deuxième, de verre. un troisième.
une première bouteille de vidée, et le sourire qui se dessine avec aisance sur les lèvres. des vieilles habitudes ont presque refait surface, bomi comme frappée par la nostalgie de ce que vous aviez été pendant longtemps, et cette nervosité constante semble devenue qu’un vague vrombissement au fond de son coeur. une pulsation constante qu’elle a toujours gardé. toujours contrôlé.
un léger soupir lui échappe, non de lassitude, seulement d’une sérénité qui lui était inconnue depuis plusieurs semaine. alors que son regard rencontre le tien, se rendre compte que vous êtes désormais deux étrangères aux passés liés lui tord un peu le coeur. « je ne pensais pas qu’on aurait de nouveau un moment comme celui ci toi et moi. » finit-elle par glisser, presque malgré elle, de peur de briser l’instant suspendu qui était en train de se broder entre vous, loin des prises de bec d’autrefois. « c’est étrange, mais réconfortant. » dit-elle sur un ton plus léger, à ne voir aucune fatalité dans ce qui vous est arrivé.
ce qui est fait est fait.
et pourtant l’espoir de t’avoir de nouveau à ses côtés, germe en bourgeon fragile et dangereux dans son esprit.

— depuis l’été dernier son monde était en constante évolution et semblait s’étirer à l’infini sous un ciel dégagé. comme si, finalement, toutes ces années d'errances avaient eu pour but de la mener ici ou au moins dans une direction moins pitoyable que celle que jinsol avait toujours cru mériter. ainsi elle s’était laissée porter par ce renouveau et les promesses qui semblaient fleurir le long de sa route jusqu’à ne, presque, plus craindre les tentatives de bomi que la jeune femme avait trop de fois ignorées. ses intestins ne faisaient plus une chute libre lorsque le nom de cette ancienne amie éclairait l’écran de son téléphone.

assez pour se retrouver assise face à elle avec la boule au ventre, à se demander si elle était la seule à sentir ce malaise assourdissant. ce n’étaient plus que des souvenirs amers qui les unissaient et jinsol n’était pas certaine qu’elles arriveraient à leur rendre leur douceur d'antan. pas alors que son manque de naturel irradiait toute la pièce alors qu’elles échangeaient des banalités comme des étrangères que l’on aurait forcées à passer du temps ensemble. peut-être que c’était une mauvaise idée après tout, qu’elle avait couru après des chimères. qu’elle s’était crue capable de tout arranger, jusqu’à renouer des liens qu’elle avait elle-même coupé sans désir de se retourner.

peu à peu l’alcool transformait le malaise en une torpeur mal maîtrisée. jinsol sentait bien qu’elle avait bientôt atteint sa limite mais boire était son seul pilier, comme si elle avalait son trouble gorgée après gorgée. elle préférait se sentir flotter et être moins habile plutôt que de laisser l'appréhension continuer de la ronger de l’intérieur. la voix de bomi sonna différemment à ses oreilles. plus réelle. “oui.” avoua-t-elle dans un souffle en hochant la tête. l’ongle de son pouce grattait distraitement le pied de son verre tandis qu’elle essayait de formuler ses pensées à voix haute. luttant contre la liqueur qui voulait tout déballer et son esprit toujours en retenu. “je- à vrai dire je ne sais pas trop quoi dire. ça me parait un peu irréel. j’ai passé tellement d’années à croire qu’on se détesterait toute notre vie.” même la colère avait fini par se faner et c’était à elles de décider quoi faire germer.