— comme la pulsation d’un tambours de guerre, réguliers et incisifs, les battements de son coeur résonnent dans l’entièreté de son crâne. cette appréhension avait presque fini par le quitter, mais elle demeurait bien là, latente sous sa peau. promesses endormies, enfouies sous les couches de sourires éclatants et d’un rire qui lui avait sans doute trop manqué.
à avoir tout donné pour te revoir sourire. 
une fois, deux fois.
mille –
à s’être crû chevalier blanc en transgressant ses propres règles pour t’aider à sortir de la pénombre, faisant sourde oreille à ce besoin qu’il avait quelque part lui aussi de revenir. 
mais morgan est un égoïste.
à se nourrir d’être la raison de ces sourires. de ces éclats de joie qu’il a auparavant tant de fois provoqué, s’en être fait de nouveau son carburant quand il s’était crû sevré. 

et dans le silence éreintant de ces derniers jours, il s’est maudit. maudit d’avoir proposé ces quelques jours en sachant qu’ils n’étaient que trop dangereux. maudit d’avoir crû qu’un retour en arrière était possible. maudit d’avoir senti son coeur exploser lorsque tes lèvres ont effleuré les siennes avant de finir par les dévorer toutes entières, à peine conscient de ce qu’il faisait jusqu’à se retirer. 
maudit d’être (re)tombé si facilement.
créature des enfers.
il s’est encore damné – comme un cas désespéré. 

et il est trop tard. trop incapable de maintenir une distance. tout aussi incapable d’admettre qu’il t’aime encore, qu’il t’aime depuis toujours – que si les sentiments étaient passés sous silence, muets, ils demeuraient. ravivés d’un seul geste. d’une poignée de secondes. mais pas suffisant. pas suffisants pour traverser de nouveau le styx et se noyer parmi les morts pour ce qui l’avait fait descendre la première fois – embrasser le tartare et en rescaper de justesse.

alors le voilà. à pas forcément savoir pourquoi – il te veut juste dans sa vie, auprès de lui. décision qui sait le conduira sûrement au néant – de nouveau – cet entre-deux trop dangereux. pour lui. pour toi. 
mais morgan est vraiment un égoïste.
alors il frappe une fois à la porte des locaux, studio trop longtemps fréquenté et qu’il pensait avoir oublié, un sac du seven eleven du coin dans la main. « j’me suis dit que tu devais être crevée, t’as passé la journée enfermée ici. » à s’dire que les choses sont pas obligées de changer. à s’mentir pour continuer. à respirer un peu mieux à tes côtés.

— tu chasses les maux d’un revers de main par ta présence qui s’impose à l’improviste. ton regard qui se pose sur elle et lui fait reprendre vie. lui redonne un peu d’éclat dans cette journée trop obscure. le goût de quelque chose.
c’est son coeur qui s’active un peu plus, lui aussi. qui s’amuse à s’émouvoir comme avant quand tu apparais dans son champ de vision. il n’y aura pas fallu grand chose pour que tout se réactive. un contact. un sourire (peut-être même moins). parce que ça a toujours été là. parce que ça fait parti d’elle.
c’est comme si t’aimer était un trait de caractère indissociable de sa personnalité.
c’est ce qu’elle sait faire de mieux.

elle se redresse sur le canapé. s’en veut soudainement d’être un déchet aujourd’hui. un de ces jours où elle ne s’aime pas – voit son reflet dans le miroir et n’éprouve que de la pitié.
c’est pas tant le physique. c’est tout le psychique qui vient peser sur ses traits. qui vient négliger l’extérieur quand l’intérieur devient poussiéreux.
je m’attendais pas à te voir.
votre dernière conversation lui a peur. sans savoir pourquoi. elle l’a submergé d’une tristesse ingérable qu’elle a tenté d’oublier auprès de ses amies, sans jamais parvenir à cesser de penser à toi, à ce que vous êtes. à ce mur qu’elle a brisée quand tu le voulais plus que solide.
(elle s’en veut)
j’avais fini.
tout le monde a déserté son studio depuis plusieurs heures maintenant. elle n’a fait que réécouter ce qui a déjà été fait sans jamais parvenir à en être satisfaite. comme si chercher la perfection dans son travail lui permettrait de trouver une certaine stabilité à laquelle elle pourrait s’accrocher.

elle se tient à distance. comme un malaise qui s’installe. elle t’en veut un peu, à toi aussi. parce qu’elle se sent incomprise.
parce que rien n’est jamais simple, avec toi.
parce que tu la repousses.
elle t’en veut de ne jamais lui donner la place. de toujours trouver des excuses.
de lui en vouloir d’être elle.