—« je n’ai pas peur du vide ». evie se répète sans cesse ces mots, en espérant pouvoir y survivre. car le creux s’étend chaque jour un peu plus, et les dernières semaines, allégées durant le hiatus inattendu du groupe, lui a rappelé sa constante solitude. car evie n’est qu’une moitié de chose. aux yeux de jayden. aux yeux des filles. aux yeux de ren, avant, sauf des tiens. et puis y’a eu cette distance. sur quelques prises de tête pas vraiment volées – des choses que vous auriez pu éviter si vous n’étiez pas si butés. si blessés. si obnubilés par ce besoin de ressortir vainqueur de la moindre contrariété en étant persuadé que dans la fierté vous demeurez plus forts. et tu lui manques. en préparation de son solo c’est le vide qui résonne en elle à chaque seconde. le souffle qui s’écorche de n’être qu’elle. elle voudrait être plus evie. dans le succès qui se dessine pour elle, demeure ce néant qui l’enveloppe un peu plus. elle avance, espérant trouver quelconque lumière, mais n’embrasse que la pénombre. alors elle va sur ce toit. ce même toit où vous aimiez vous retrouver par le passé, entre les entrainements, l’école, et toutes ces choses qui auraient pu autrefois vous séparer. cet endroit qui résonne en elle d’une manière nostalgique et douloureuse, tandis qu’elle pousse la porte de service métallique. son grincement habituel lui procure un frisson le long de son échine. lorsqu’elle relève les yeux, c’est ta silhouette qu’elle découvre, assise au bord du vide – et c’est son coeur qui s’écrase tandis qu’elle te voit, à cet endroit. elle hésite. parce qu’evie n’a jamais été douée dans ce genre de moment. parce qu’evie est plus douée pour éviter qu’affronter. mais t’es là. elle aussi. comme un coup de pouce du destin, un rayon de soleil dans son univers – un qui compte vraiment malgré les journées ensoleillées qui lui semble à elle être encombrées des mêmes nuages que février. alors elle s’avance, et du bout des doigts touche ton épaule. seulement. souffle ton nom d’un soupir éraflé. blessé. désolé. « ilhwa. »
Le temps passe, et la notion de celui-ci se dissipe avec lui au fil des jours. On remet à demain le désolé qui doit se dire, et on le laisse prendre la poussière. La plupart du temps on l'oublie dans un coin, mais lorsqu’on s’en rappelle on se dit qu’il est tard, que ça ne sert plus à rien. Alors les maux restent et les blessures s’étendent.
Ce sont les premières pensés qui lui sont venus à l’esprit lorsqu’il a senti - bondissant de sa place - les petits doigts fragiles d’Evie tapotant son épaule. Les écouteurs à ses oreilles l’avaient empêché d’entendre la porte lourde. Le sursaut n’avait duré qu’une fraction de seconde, captant très vite qu’elle était la seule autre personne pouvant se rendre dans le repère nostalgique de leurs souvenirs d’adolescents, mais il avait suffit à ce que sa cigarette lui brûle la peau. La cloque n’était pas comparable à la souffrance que leurs dernières disputes avaient engendrée, néanmoins elle existait.
- Evie, souffle-t-il.
Prénom qu’il s’était longtemps interdit après une bataille d’égo qui n’avait eu de gagnant que la constante impression de solitude. Des regards tournés vers les écrans dans des showcases communs - ou la lecture néfaste d’article à son sujet - mais un corps inatteignable. La honte face au silence.
- Je te croyais encore en tournée, ajoute-t-il.
Sous l’éclat de la lune, Evie persiste à être dans la pénombre. Ilhwa cherche ses yeux. De ses iris, il parcourt le peu de silhouette qu’elle lui permet, et le constat qu’il en tire le brise entièrement. Si une infime partie de lui tenait encore debout - il s’effondrait s’il n’était pas déjà assis - la peine lisible dans le regard d’Evie lui assène le coup de grâce. Plus le temps au discussion maniéré à rallonge, plus le temps aux disputes : il écrase sa cigarette contre le bitume et l’attrape d’une poigne ferme, l'entrainant à se joindre à lui dans une étreinte silencieuse.
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