— scintillements et flashs trop présent, insistants, pour capturer leurs images avant que tout ne disparaisse derrière les façades et les portes gigantesques. pour imprimer sur les pellicules leurs sourires et leurs éclats, cachant une fatigue immense après ces heures passées à se préparer, se faire coiffer, essayer de comprendre les mots qu’on lui prononçait. et le bal continuait de jouer une fois à les portes passées, la laissant pourtant à l’abri des regards trop indiscrets des paparazzis qui ne voulaient pas manquer une miette de leurs présences à tous. et Hana se demandait encore si tout cela valait la peine, s’il n’était pas plus raisonnable qu’elle rentre au pays pour retourner s’entrainer et travailler, l’acharnement à vouloir faire toujours mieux lui comprimant les entrailles. seulement, il lui fallait rester présente et faire coucou à cette dame de fer que l’on voyait à - presque - toutes les fenêtres de la ville lumière où elle résidait pour quelques heures.

sourires échangés, discussions insignifiantes. Hana se faufilait entre les corps, piquant par moment des mets sur les plateaux des serveurs passant au milieu de la foule avant de se sentir étouffé. cela n’était pourtant pas inhabituel pour elle mais la déesse ne souhaitait qu’une chose, un peu de répit. fuir pendant quelques minutes, dans un recoin de cet hôtel réservé pour l’occasion. et la voilà qu’elle se retrouva dans un couloir délaissé, sa personne se retrouvant solitaire tandis qu’elle asseyait son derrière à même le sol. tant pis pour la robe hors de prix, pour son image d’idol et son nom. elle ne voulait être personne pendant des secondes interminables. cela aurait pu être le cas si des bruits de pas ne lui avaient pas fait levé les yeux avant qu’elle ne rencontre le regard d’une jeune femme qu’elle aurait souhaité ne jamais revoir. encore moins dans de telles circonstances. “ Sallie… ” son corps abandonna le sol alors qu’Hana se redressait sur ses jambes, prise de court. si on lui avait dit que sa vie finirait à Paris, elle ne l’aurait jamais cru. “ C’est marrant de se rencontrer ici, non ? ” pour peut-être, détendre l’atmosphère.

— paris sous le prisme de la semaine de la mode s'apparenterait à une fourmilière étincelante. rien à voir avec celle de séoul où la jeune femme était régulièrement invitée. ici tout était plus grandiose aux yeux de cette ancienne habitante du kansas qui se retrouvait catapultée dans l’effervescence de la capitale de la mode à l’un des événements les plus glamour de l’année.  un pas de géant qui l’avait menée tout droit sur un nuage nacré. c’était assez pour lui faire oublier, l’espace de quelques jours, les convictions écologiques qui animaient la jeune femme, qui assumait pleinement ne pas être infaillible. outre cela, c’était tellement rafraîchissant de répondre aux journalistes français ou internationaux, rien à voir avec les questions répétitives et ennuyantes des médias coréens. même parler couramment anglais n’était plus une prouesse incroyable, ici c’était le cas de presque tout le monde.

de bonne humeur, cette soirée privée était un véritable délice pour la jeune femme. une coupe à la main elle s’éloigna des convives à la recherche d’un accès aux jardins et à l'abri de tout regard extérieur à la fête pour fumer une cigarette. dans le couloir elle n’entendait plus que le bruit de ses talons sur le sol et le cliquetis des perles de son haut. ce n’était pas la tenue la plus confortable qu’on lui avait choisie mais elle s’amusait du tintement produit par chacun de ses mouvements mais la fête fut de courte durée. ses lèvres se serrèrent lorsqu’elle reconnut hana assise par terre. c’était la dernière personne qu’elle souhaitait voir et qu’elle s’attendait à voir. peu friande des scènes, qu’elle soient publiques ou privées, sallie garda la tête pour ne surtout pas regarder vers la jeune femme dans le but de l’ignorer et de continuer son chemin. à la rigueur la saluer brièvement mais rien de plus. elles n’avaient plus rien à se dire depuis longtemps et ce n’était ni le lieu ni le moment pour expliquer à hana qu’elle n’avait aucune parole. n’importe qui avec un minimum de jugeote aurait collé au plan de l’américaine mais son aînée lui avait prouvé plusieurs fois qu’elle n’en avait vraiment pas beaucoup. “non ça ne l’est pas.” son ton était particulièrement cordial et léger pour une phrase qui suintait de reproches. “mais c’est une habitude de te trouver à des endroits où on t’attend le moins.” de tous les sourires que sallie avait pu faire, celui-ci était le plus hostile et effrayant qu’elle avait pu faire.

— agressivité flagrante dans une tension trop grande qui lui faisait presque perdre pied. à se retrouver désarmé, loin là-bas de l’autre côté de l’océan, à se demander si elle n’aurait pas mieux fait de rester cloîtré quelque-part en Corée. une sensation plus que désagréable étirait ses entrailles avant que le tout ne se noue nerveusement dans le creux de son ventre, ses bras se serrant autour de sa taille comme pour lui apporter un peu plus de réconfort. il lui semblait cependant que c’était de bien plus dont elle avait besoin à cet instant, le ciel lui tombant sur le coin du nez sans crier gare.

une punition, c’était ainsi qu’elle voyait la chose. méritée ou non, elle ne le savait pas réellement. surement que oui, elle qui avait fait des impairs par dizaine, à ne pas prendre les bonnes décisions. elle était parfaitement consciente de son statut, totalement en accord avec la fureur qui émanait de la jeune femme lui faisant face. comme si elle n’avait rien à redire. et Hana n’avait pas vraiment grand-chose à y redire. “ Ah… ” seule complainte qui quitta alors ses lèvres tandis qu’elle détournait le regard, gênée, dérangée. toute petite elle se sentait, espérant avec force que quelqu’un passe par là pour lui sauver les fesses. il paraissait cependant qu’aucun saint n’écoutait ses suppliques et qu’il lui fallait affronter le dragon prêt à l’incinérer. “ Oui et bien… le monde de l’industrie est plus petit qu’elle n’y paraît. ” un nouveau sourire embarrassé, émotion qui émanait de sa peau et sa chair, tandis qu’elle osait à peine regarder Sallie dans les yeux. de peur qu’elle la fusille sur place, par crainte de juste se liquéfier si elle tentait de lui faire réellement face. “ Enfin, j’espère que tu passes une bonne soirée. Je ne vais pas te déranger plus longtemps. ” une tentative désespérée de prendre la fuite, pour ne pas à se mortifier davantage. en espérant que l’autre veuille bien la laisser partir.

— la pitié s’était muée en un profond mépris alors que sallie se souvenait combien la situation d’hana avait pu la préoccuper. elle s’était laissée bernée par la complainte de cette pitoyable sirène pour que celle-ci se joue d’elle quelques mois plus tard. et maintenant de la créature mystique et mélancolique, sallie ne voyait plus qu’une flaque salée par ses larmes de crocodiles. dire qu’elle s’en était voulu d’avoir oublié son esprit de sororité en voyant ses sms désespérés alors qu’hana n’en avait sûrement jamais eu, pour qui que ce soit. si pitié y en avait eu, la jeune femme n’en aurait plus pour son aînée pas même lorsqu’elle la voyait se ratatiner sous ses yeux. ce qu’elle avait pris pour une grande fragilité n’était plus que le cinéma d’une mauvaise actrice qui aimait se victimiser. sallie ne tomberait plus dans le panneau. pauvre chose, elle la plaignait mais plus pour les mêmes raisons.  

la voir se contorsionner pour éviter son regard était d’autant plus agaçant. encore quelqu’un qui tendait le bâton pour se faire battre mais qui n’en assumait pas les conséquences. sallie soupira et leva les yeux au ciel. “trop même.” surtout lorsque l’on n’était pas capable de rester dans son coin plutôt que d’aller au devant des problèmes. même si cela semblait être l’activité favorite d’hana, une chose de plus qu’elle faisait sans être capable d’assumer la suite. et maintenant qu’elle attisé la colère de sallie, pourtant connue pour être facile à vivre, voilà qu’elle comptait filer comme une anguille. “ouais c’est ça, fais toi encore passer pour la gentille. oublies pas de t’excuser pour apaiser ta conscience. c’est ce que tu fais toujours, non ?” peu friande de confrontation, le manque de nicotine était en train de la rendre irascible et surtout, sallie n’avait aucune envie de laisser s’en tirer avec trois phrases. c’était elle qui avait soufflé sur les premières braises, ce serait donc à elle d’éteindre l’incendie.

— malaise grandissant, dont elle n’arrivait pas à se défaire. pris dans un piège qu’elle n’avait pas vu venir et qu’elle espérait voir s’ouvrir bientôt pour la laisser sortir sans trop d’égratinures. mais il fallait se rendre à l’évidence : la jeune femme ne la laisserait pas s’en tirer sans avoir briser chacun de ses espoirs. Hana savait qu’il ne lui était plus possible d’échapper aux foudres de la chanteuse, son estomac se retrouvant comme un sac de noeuds dans le creux de son ventre. tout cela à cause de sentiments dévorants qu’elle n’avait pas su contenir, ni calmer. d’ignorances et d’erreurs qu’elle pensait pouvoir mettre de côté sans se soucier que cela lui retomberait dessus. à jouer les ingénues, les ignorantes pour qu’au final la tempête ne vienne souffler sur son visage, la laissant contrite et amère.

“ que dois-je faire d’autre exactement ? ” elle souffla avec le peu de courage qui lui restait, elle qui se sentait aussi petite qu’une souris face à la fureur glacée de Sallie. elle aurait aimé s’enfuir, prendre ses jambes à son cou et l’éviter pour les mois à venir. mais le monde dans lequel elles évoluaient toutes les deux ne lui permettait pas de prendre assez de distance pour que rien de tout cela n’arrive un jour. elle savait avec une force qui l’effrayait qu’un jour ou l’autre, il lui faudrait faire face à cette jeune femme à la rage dévorante. “ si tu ne veux plus de mes excuses, je cesserai donc d’en dire… j’arrêterais même de dire quoi que se soit si cela peut te faire plaisir. ” lèvres pincées, à se demander ce qui allait bien lui tomber dessus. mais certainement que cela aurait le poids d’une enclume qu’Hana n’était pas sûre de pouvoir porter sur ses épaules.

— sa colère avait dépassé le simple stade de rancœur justifiée et il paraissait assez évident que quoi qu’il arrive, rien de ce qui pourrait être fait ou dit par hana trouverait grâce aux yeux de sa cadette. trop de fois elle avait joué à la pauvre petite fille qui comprenait à peine les conséquences de ses actes, à croire que le monde entier s’était mis en quatre pour ne jamais la confronter à la réalité froide de la vie. sallie n’aurait aucun problème à endosser ce rôle, elle se sentait prête à lui faire regretter le plus longtemps possible de l’avoir prise de pitié. de toute évidence hana était une hypocrite qui pensait se tirer de chaque mauvais pas avec des larmes de crocodiles mais tout ce qu’elle avait réussi à faire au final c’était réveillé une cruauté jusqu’alors insoupçonnée chez l’américaine.

elle grimaça en l’écoutant demander ce qu’elle devait faire. comme si le message n’était pas assez clair. en plus d’être une victime, elle était une imbécile. sallie n’aimait pas l’idée d’éprouver de la haine envers qui que ce soit mais elle était en train de réévaluer la question. “ne fait rien du tout. ne m’adresse plus la parole. d’accord ? l’hypocrisie c’est pas inné chez tout le monde.” sallie n’avait guère envie de s’adonner aux mêmes travers d’hana. sans attendre la moindre réponse de la jeune femme, ce n’était pas comme si elle lui laissait le choix, elle cotinua son chemin dans le couloir. mais au bout de quelques pas elle fut tiraillée par une envie d’une rare méchanceté. peut-être était-ce le manque de nicotine qui la tiraillait ou un besoin inassouvi de vengeance qui lui fit tourner les talons. un sourire cruel sur les lèvres elle revint au niveau de la jeune femme. “au fait, je t’ai menti la dernière fois. junho me montrait les sms que tu lui envoyais quand on était ensemble. conseil de filles : être pathétique ça ne les fait jamais revenir.” elle s’était encore plus rapprochée pour lui susurrer cette dernière phrase d’une voix blanche à l’oreille.  

— comme une tempête hivernale qui s’abattait sur elle, ses forces la quittant à mesure que les secondes s’enfuyaient loin d’ici. un mur de glace qu’elle ne pouvait ni franchir, ni affronter, de peur de finir totalement détruite. cela n’était jamais arrivé auparavant, la situation la laissant sans voix et terriblement démunie. jamais de sa vie, Hana ne s’était sentie aussi petite et misérable, elle qui avait simplement marché de travers. mais les excuses et les complaintes ne pourraient assurer son salut. cela faisait bien longtemps qu’elle était déjà jugée coupable, elle-même ne souhaitant même plus se battre pour changer ce statut.

ses paroles étaient d’une froideur inouïe, ne laissant pas la possibilité à la jeune femme de répondre quoi que se soit. elle ne put rester que les lèvres pincées, figée sur place, alors que Sallie s’affairait à terminer son procès. et ses bras vinrent se serrer autour d’elle, enlaçant son corps comme pour lui donner assez de chaleur pour faire face à tout ce qu’elle encaissait. cela n’était pas grand-chose, pas bien suffisant mais nécessaire à sa propre survie. “ Très bien… comme tu voudras.” qui avait-il à dire de plus ? il était évident qu’au moindre mot de travers - et même pas de travers - son aînée lui planterait davantage sa lame dans ses plaies ouvertes. mieux valait faire profil bas et ne plus jamais lui faire face. en tout cas, dans la mesure du possible. car le pire pouvait encore venir. même après que, prête à partir, Sallie ne revienne siffler dans ses oreilles, tel un serpent insufflant son poison dans la chair de ses victimes. vint alors un tremblement, un hoquet montant dans sa gorge pendant que ses joues changeaient de couleur, sa mâchoire se serrant.


jamais, ô grand jamais, on ne la reprendrait à ce jeu-là…


“ Merci du conseil… ” elle n’osa pas croiser son regard, ni même lui faire face une seconde de plus. sa voix chevrotante avait déjà fait état de sa condition, une immense douleur étreignant ses entrailles. et dire qu’elle avait aimé sans borne. peut-être pas de la meilleure des manières, mais l’amour était ce qu’elle avait ressenti alors. pour se faire trahir de la sorte. et alors qu’elle tournait le dos à la jeune femme, quittant ce couloir maudit d’un pas pressé, Hana se jura que plus jamais, elle n’offrirait de tels sentiments à quiconque. car aucun de ces êtres dépourvus de coeur ne méritait qu’elle s’acharne de cette façon.