— les murmures s’intensifient. encore de multiples voix qui tournent dans sa tête, inlassablement – ça fait bientôt dix ans maintenant. son visage se meut sous les paroles d’inconnus. noam est tous les jours un peu différent lui semble-t-il ; et s’il apprend à ne plus y prêter attention, y’a ces mots qui cognent si fort qu’il pense devenir malade. vérité déterrée. étalée sur les réseaux sociaux. et ces multiples demandes d’éclaircissement tandis que les agences demeurent muettes – mais pas sourdes.
il pensait que ce n’était qu’une parenthèse, l’été dernier. qu’un relent venu d’outre-tombe qu’il s’est dépêché de refoutre sous terre bien assez vite de peur de trop y prêter attention. le visage d’une mère qu’il aurait voulu ne pas revoir. ou peut-être que si. et tes paroles, qui ont résonné si fort entre ses côtes qu’il a pensé un instant que cet écho ne disparaitrait jamais. mais le voilà. deux pieds à la g.nation, maison étrangère pour régler un problème qui ne devrait pas en être un. « c’est trop évident » qu’ils disent. « des photos circulent déjà sur les réseaux. » et puis, comme une guillotine : « on va devoir clarifier la situation. admettre votre lien de parenté. réglez ça entre vous. » problème repoussé trop loin (trop de fois).
il salue d’un geste de tête la secrétaire, se laisse guider dans les locaux par des personnes qu’il ne connait pas, flanqué de son manager. il se dit que c’est là que t’as grandi. là que t’es devenu cette personne qu’il ne connait pas vraiment. là que t’as réalisé ce rêve que tu lui as longtemps aussi reproché – et y’a l’amertume qui envahit sa bouche. encore. toujours. putain. lorsqu’on lui ouvre la porte de la salle de réunion, il te reconnait vite. là, à l’attendre. sa mâchoire se verrouille d’instinct tandis que son visage demeure froid, gelé. parce qu’il ne sait pas faire semblant. pas avec toi. y’a que l’hiver qui l’envahit lorsqu’il te regarde. alors il dit d’une voix plate, creuse. : « salut » et laisse le gel lui engourdir les doigts.